Outils RH : ne pas négliger le facteur humain.

Si l’on suit comme moi l’actualité RH, on est obligé d’être frappé par certains télescopages. De grands thèmes émergent périodiquement des médias dédiés RH, voire généralistes, et les réseaux sociaux leur servent ou non de caisse de résonnance.
Parmi les questions qui font le Buzz RH actuellement, 2 attirent mon attention : la remise en cause de la dénomination « Direction de Ressources Humaines », et la montée en puissance des applications Cloud dédiées aux ressources humaines.

Or, si l’on veut bien se donner la peine de rapprocher les 2 thèmes, il y a matière à en tirer des leçons pour de futurs usages. Leçons qui pourraient servir à éviter des déconvenues. Avouez que c’est tentant…

Ressources Humaines, un terme qui ne fait plus l’unanimité

Conséquence de la crise sans doute : lorsque Bernard Marr a lancé le débat sur Linkedin (1), il ne s’attendait sans doute pas à susciter un tel « émoi ». C’est qu’en posant franchement la question : « Les ressources humaines doivent-elles changer de nom ? » (sondage qu’il a lancé), il exprime sans doute tout haut les interrogations de milliers de salariés, voire de cadres ou de DRH.

Les réactions sont immédiates, et contrastées. Beaucoup approuvent, car le ressentiment des salariés après quelques années de crise se cristallise en cette occasion. Il est difficile pour eux de qualifier d’humaine une gestion parfois entièrement dictée par des aspects financiers. L’entrée au capital de Peugeot de l’état et d’un actionnaire chinois, au moment même où j’écris ces lignes, en est l’illustration parfaite. Le grand capitalisme familial avait autrefois un certain soucis de ménager ses employés. Après tout, il avait toutes les chances de les croiser à un moment ou à un autre, dans l’entreprise, ou même en parcourant la ville, et de les avoir comme clients. Il pouvait se contenter de gérer longtemps une entreprise simplement rentable. Les actionnaires actuels n’ont plus de liens directs avec les salariés. Situés souvent à l’autre bout de la planète, ils sont focalisés sur la finance, au point de ne plus se contenter d’entreprises rentables : il faut désormais être très rentable.

Les DRH se retrouvent de ce fait entre le marteau et l’enclume. Ils voudraient continuer à penser qu’ils sont entièrement au service de l’humain et de la gestion des talents, mais deviennent à leur corps défendant exécuteurs des basses œuvres. Je caricature, mais cette dichotomie est bien présente dans les réactions au sondage de Bernard Marr. D’un coté, des salariés qui rejettent le terme « ressources », trop connoté négativement, et de l’autre, des acteurs du domaine RH, qui aimeraient adoucir le terme en faisant référence aux talents. L’auteur du sondage préconise quant à lui de scinder les services RH en 2 entités distinctes : l’une consacrée au mieux-être des salariés, l’autre à l’optimisation des ressources pour l’entreprise.

Justement, restons sur cette idée d’optimisation. Puisqu’elle est au cœur de l’entreprise en 2014, comment va-t-on lui donner vie ?
Avec le Cloud, le SaaS, et leur cortège d’applications dédiées RH, bien sûr.

Une application, c’est ce que j’ai sur mon Smartphone ?

Une autre source de Buzz dans le domaine RH, c’est l’arrivée continuelle de nouvelles solutions SaaS dédiées RH. L’expansion du Cloud y est pour beaucoup, puisque les entreprises n’hésitent plus à l’adopter, à un rythme accéléré, pour des raisons… d’optimisation financière et organisationnelle. On n’y échappe pas.

Les modes se suivent, les années passent, et valident les prédictions des années précédentes. C’est le cas pour la gestion des talents, qui rencontre un franc succès. Ou pas : c’est l’autre cas des RSE, les Réseaux Sociaux d’Entreprise, qui peinent à trouver leur place. Une chose est certaine : la DRH reste l’une des principale utilisatrices, au sein de l’entreprise, de solutions en mode SaaS. C’était d’ailleurs l’une des premières à leur faire confiance.

L’année 2014 promet de ne pas être en reste, puisque les réticences liées au Cloud et à la dématérialisation disparaissent progressivement. Mais surtout, et c’est un fait que les DRH ne doivent pas oublier, les entreprises sont confrontées au phénomène du BYOD (Bring Your Own Device) : apportez votre propre outil. Les salariés ne s’en privent pas, devenant de ce fait les principaux moteurs de la révolution SaaS / Cloud ! Pas un cadre qui ne dispose de son Smartphone, et bien peu de salariés de moins de 25 ans qui ne disposent de leur tablette. Avec des paradoxes…

Souvenez-vous des années 90 : vous pouviez faire miroiter à un cadre, au moment de l’embauche, la mise à disposition d’un portable reluisant. Vous feriez sourire aujourd’hui : la plupart des jeunes « Geeks », dont les entreprises raffolent, changent de Smartphone 2 fois par an, et de tablette à chaque Noël. Je ne connais aucune entreprise qui puisse rivaliser avec ce rythme, gloire à celle qui dote ses salariés d’un terminal récent (de quand date l’ordinateur sur votre bureau ?). Donc, une bonne application SaaS / Cloud RH, c’est celle que le collaborateur peut installer sur SON terminal personnel, et utiliser à tous moments de chez lui ou dans le métro. Sinon, la sanction est immédiate : j’utilise une solution déjà existante, plus sexy et immédiatement disponible.

D’où le succès des applications qui n’ont pas d’équivalent grand public (gestion des talents), de celles qui répondent à un besoin immédiat avec une interface simple (gestion des congés, des frais…), mais l’échec des solutions qui ont déjà une réponse par ailleurs. A quoi bon tenter de comprendre mon RSE, et me soumettre à ses règles, alors que je peux délirer depuis longtemps sur le groupe Facebook consacré aux salariés de mon entreprise (ou mieux : délirer sur ma page perso avec mes collègues « amis ») ?

Et si les DRH devaient désormais orienter plus que contraindre ?

Si l’on rapproche les 2 faits évoqués précédemment, on doit comprendre que les choses ont changé. Le temps n’est plus où il fallait scotcher 200 affiches dans les couloirs pour motiver 10 candidats à s’inscrire à la formation « informatique ». Aujourd’hui, la plupart des jeunes salariés en savent autant voire plus que votre DSI en matière d’applications Apple ou Androïd. Vous pouvez leur interdire de les utiliser, bien entendu. Mais quelle perte en matière de « Ressources Humaines ». Ce serait une mauvaise gestion des talents, et donc une gestion des ressources inhumaines.

Puisque les salariés courent maintenant devant, à l’affut des moindres nouveautés, pourquoi ne pas les suivre ?  Détecter les tendances numériques, se faire expliquer les avantages d’une nouvelle application grand public, connaitre le parc de Smartphone et Tablette disponibles chez vos salariés (pourquoi ne pas le subventionner ?), y adapter vos propres applications, nommer des ambassadeurs parmi les primo-utilisateurs (qui se feront un plaisir de convertir les autres), verrouiller certains usages s’il le faut…
N’est-ce pas là le portrait de la DRH idéale en 2014 ?
Celle dont aucun salarié, jamais, ne pensera à changer le nom de baptême.

Laurent Hercé

(1) le post de Bernard Marr sur Linkedin :
http://www.linkedin.com/today/post/article/20131118060732-64875646-why-we-no-longer-need-hr-departments

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