RG Systèmes, ces agents qui vous veulent du bien

C’est peut-être parce que, dans son expérience précédente, il a boosté l’activité de l’entreprise dont il était Sales Manager : Grégory Cladera, CEO & Founder de RG Systèmes, dégage une assurance assez inhabituelle chez un jeune entrepreneur. Dans le bar-lounge du Hilton où nous l’avons retrouvé, il est longuement revenu sur cette aventure qui l’a conduit à lancer une offre de supervision de serveurs en mode SaaS, dans un monde de plus en plus virtuel, de plus en plus « CLOUD ».

 

 

 

Grégory Cladera – CEO & Founder – RG Systèmes

 

Saas Guru – Quand avez-vous créé RG Systèmes ?

Grégory Cladera – En novembre 2008. Le projet a démarré fin 2007, à l’initiative de mon associé, Régis De Porre, qui était DSI dans une des sociétés qui représentent notre cible aujourd’hui. Régis a fait le constat qu’il n’existait pas d’outil de monitoring correspondant à ce dont il avait besoin. Il a commencé à développer un prototype, mais il lui manquait la vision ‘business’. A l’époque, j’étais responsable commercial export dans une société de contrôle technique automobile, et je me passionnais pour les nouvelles technologies, notamment pour le Cloud. Je cherchais aussi un nouveau challenge en mode entreprenariat après avoir réussi à des postes de business development. Avec Régis, nous nous sommes rencontrés par liens interposés. Il m’a proposé ce projet et nous avons créé la société après quelques mois. Une troisième personne, Edouard Cole, nous a rejoints pour apporter la touche d’expertise en développement qui nous manquait.

SG – Votre offre, Liberty, s’est donc créée pour répondre à un besoin peu ou mal couvert. De quel besoin s’agissait-il ?

GC – Nous nous situons sur le marché du monitoring de serveurs, par opposition au monitoring de PC. Le nombre d’acteurs y est assez restreint, parce que c’est un sujet complexe et très technique. En 2007, nous avons fait le constat qu’il existait des outils pour les grands comptes (Patrol, Tivoli, IBM, HP…), et à l’étage inférieur un seul outil, Nagios, qui est un logiciel open source. Il propose un très grand nombre de fonctionnalités mais il est assez peu packagé. C’est plus une boite à outil… Il faut l’administrer, la superviser, la maintenir, la mettre à jour. Or, une PME n’a pas forcément de ressource à mettre sur du monitoring. Il y avait de la place pour une solution dédiée au mid-market. Il fallait que cette offre soit facile à prendre en main, que tout soit compris pour un prix compétitif. Le modèle SaaS s’est naturellement imposé.

SG – Vous dites qu’il n’existait pas d’offre pour cet usage. Mais les entreprises ne vous ont pas attendus pour surveiller leur parc de serveurs ?

GC – (Il sourit) La plupart des superviseurs gèrent leurs machines en mode curatif, c’est-à-dire qu’ils passent leurs journées à résoudre des problèmes… Ou bien, lorsqu’ils le font de façon préventive, ils procèdent de manière artisanale, par exemple en construisant des tableaux sur Excel. D’autres essaient Nagios, avec les limites que j’ai déjà évoquées. Quoi qu’il en soit, à partir d’un certain nombre de serveurs, si vous ne disposez pas d’une solution simple et très packagée, ça devient difficile à gérer.

SG – A partir de quel nombre de serveurs ?

GC – Pour une PME, au-delà de cent serveurs, un outil professionnel est indispensable. A partir d’une vingtaine de serveurs, c’est déjà très rentable. C’est la force de RG Supervision.

SG – Parlons-en, justement. Quel est votre business modèle ? Comment calculer un ROI ?

GC – C’est simple. L’offre Liberty est au prix d’abonnement de 22 €HT maximum par serveur et par mois. A comparer avec les budgets de plusieurs centaines de milliers d’euros pour les outils haut de gamme… mais surtout aux coûts cachés des méthodes manuelles. Une enquête a démontré qu’un DSI qui monitore manuellement ses serveurs y passe en moyenne 5 à 10 mn par jour et par serveur. Rapporté au salaire, et nonobstant tous les autres coûts, on arrive à 900€ par an et par serveur. Nous nous situons aux alentours de 200€ par an et par serveur. Sans parler des économies engendrées par l’action préventive.

SG – Et par rapport à Nagios ?

GC – Habituellement, Nagios est utilisé par des sociétés ou intégrateurs de taille importante, amenés à surveiller des parcs installés de plus de 1 000 machines. Ce qui importe aux responsables informatiques de ce type de clients, et particulièrement en période de restrictions budgétaires comme en ce moment, c’est de disposer d’un outil simple, souple et évolutif. Je peux citer l’exemple d’une Mairie de ma région qui a mis deux ans à déployer Nagios sur 95 serveurs. Avec RG, il suffit de 5 jours.

SG – Plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de serveurs… ce sont plutôt de grosses PME, non ?

GC – Oui, mais le plus souvent nos clients sont des prestataires informatiques qui surveillent le parc de plusieurs entreprises.

SG – Des intégrateurs ?

GC – Intégrateurs, hébergeurs, infogéreurs… Par exemple, Inforsud Diffusion qui est une filiale du Crédit Agricole Midi Pyrénées, ou Absys Cyborg qui est présent au niveau national. Mais nous travaillons surtout avec des intégrateurs régionaux, comme Leclere ou SNA, qui ont une taille comprise entre cinq cent mille et trois millions d’euros, et qui ont entre dix et vingt personnes. La gestion de parcs de PME exige de la proximité, pas sur le monitoring en tant que tel, mais pour les interventions sur site qui découlent des alertes. Pour les intégrateurs ou les hébergeurs, utiliser un outil comme RG est un moyen de gagner en productivité et d’élever la valeur de leur prestation. Ils peuvent ainsi paramétrer leur propre rapport et l’envoyer à leurs clients. Cela justifie leur facture de maintenance.

SG – Si je vous entends bien, votre solution permet à l’entreprise ou au prestataire de gagner en productivité, donc de supprimer des postes. Comment faites-vous passer la pilule au directeur informatique ?

GC – Il n’y a pas de poste supprimé chez nos clients, mais plus de confort et une revalorisation du métier. Parce qu’il s’agit de faire du préventif, sachant que nous ne remplacerons pas l’humain. Par exemple, nous sommes très prudents face à la mise en place de procédures automatiques de traitement de problèmes suite à des alertes (sauf quelques actions de bases comme le redémarrage d’un service ou d’un reboot machine). Les gros outils, comme Patrol, le proposent. Et ça fonctionne dans 90% des cas. Mais le jour où ca ne fonctionne pas, le problème peut déraper et déboucher sur une crise. De notre point de vue, la décision d’intervention doit rester contextuelle, donc humaine. Nous permettons surtout aux techniciens de gérer un parc plus large de serveurs qu’ils ne le peuvent manuellement, et d’anticiper les problèmes plutôt que de les subir.

SG – Vous proposez une offre découverte ?

GC – Oui, sous la forme d’un essai gratuit, 100% web, limité à un agent, donc à un poste. Il permet au décideur de tester la solution dans sa totalité. Ceux qui veulent aller plus loin ont la possibilité de demander une ‘Trial version’, toujours gratuite, sur plusieurs agents, pendant quelques semaines, le temps d’évaluer le service en situation réelle. Enfin, nous avons l’offre Liberty, qui est le contrat unique client, avec un système d’abonnement, sans préavis de résiliation, sans engagement. Vous installez et supprimez ses agents, quand vous le souhaitez. Pas de minimum de facturation : zéro agent = zéro euro. Et une facturation qui est faite au prorata du temps de fonctionnement de l’agent. Par exemple, s’il est installé le 10 du mois, à la fin du mois nous ne facturerons que les 20 jours restant.

SG – Passons maintenant à l’aspect opérationnel. Comment se passe la prise en main du système ?

GC – Dès que le client est inscrit, il peut accéder à l’application via Internet, avec un identifiant et un mot de passe, ce qui limite les déplacements. Nous recommandons une formation d’une demi-journée pour les paramétrages initiaux et faire le tour des fonctions, mais elle n’est pas indispensable. Le client peut lui-même installer un agent en moins d’une minute sur la machine qu’il veut surveiller (serveur ou PC), depuis son poste. Cet agent envoie des rapports accessibles depuis le back office. Par exemple, des graphes pour les processeurs, des états pour le service, des statuts… En amont, l’utilisateur aura réglé des seuils de dépassement qui déclencheront automatiquement des alertes par email, voire par SMS en cas de forte criticité.

SG – Proposez-vous des interfaces avec d’autres outils ?

GC – Je vais d’abord parler des logiciels dont nous gérons les alertes. Contrairement à beaucoup d’autres systèmes, qui vont directement s’alimenter dans le journal d’événements de Windows, nous développons des connecteurs spécifiques par éditeur. Pour les antivirus, notamment, nous intégrons Trend, Kaspersy, Avast, Symantec, NOD32… Le client peut alors monitorer si son antivirus est à jour, actif ou pas actif. Pour la sauvegarde, même principe. RG traite les sauvegardes comme ARCserve, Acronis, Veeam Backup, MS Backup ou ShadowProtect. Ensuite, on retrouve d’autres modules. Par exemple, s’il s’avère que nous avons affaire à un compte qui a déjà des outils de ticketing, nous nous intégrons au dispositif existant.

SG – Comment faites-vous évoluer l’offre ? Quelles sont les prochaines fonctionnalités prévues dans la roadmap ?

GC – Depuis l’été 2011, nous avons adopté la méthode agile « SCRUM » (‘mêlée’ en anglais) qui permet de faire participer les clients à la roadmap tout en améliorant la maîtrise sur les développements et en limitant de façon sensible les risques de bugs. La méthode a aussi pour effet de responsabiliser les développeurs et les utilisateurs. Grâce à cette méthode, nous pouvons annoncer aux clients une roadmap claire à six mois. Au début, nous avons construit le logiciel dont nous rêvions. Aujourd’hui, ce sont nos clients qui, pour une large part, le font évoluer.

SG – Et en l’occurrence ?

GC – Nous finalisons actuellement la couche serveur : nouveaux antivirus, nouvelles sauvegardes, partie RAID, plugin applicatifs (Exchange, SQL, Oracle etc…), couche réseau… Actuellement, nous sommes full Windows, et nous préparons un agent Linux qui verra le jour en novembre. C’était un gros développement, et c’est une grosse ouverture. Nous allons ensuite commencer à pinger le réseau interne avec de l’IP, et ensuite nous attaquerons la couche SNMP qui est la couche réseau classique. C’est pour début 2012. En parallèle, on a intégré de nouveaux modules & outils, comme « LogMeIn », le leader mondial en télémaintenance. Nous jouons un rôle central puisque, par définition, le monitoring se présente comme un dashboard dans lequel plusieurs services peuvent être centralisés. En intégrant des solutions tierces, mais évidemment toujours dans un contexte de monitoring, les clients disposent d’une seule interface pour plusieurs applications. Evidemment, dans ce cas nous choisissons des solutions qui font référence. Enfin, nous avons un gros projet dans les cartons…

SG – Un scoop ?

GC – Nous allons sortir une offre de back up qui s’appelle « Liberty + », qui intègre 10 Go de sauvegarde, toujours incluse dans les 22€ par mois et par serveur. C’est une offre qui sera réservée à une certaine typologie de clients qui ont un parc important, au moins vingt serveurs en monitoring.

SG – Beaucoup de projets, donc. Pourtant, le Cloud annonce la fin des serveurs d’entreprises… A terme, comment voyez-vous votre offre, dans un monde sans serveur ?

GC – Les analystes n’ont pas manqué de nous poser la question… On pourrait répondre que le Cloud va s’installer progressivement, que le résidentiel a encore de beaux jours devant lui. Mais ce qui se passe, surtout, c’est que la disparition progressive des serveurs d’entreprise rend notre positionnement encore plus fort. Je m’explique. Une VM (Virtual Machine) demande par définition un contrôle encore plus strict qu’une machine résidente, ne serait-ce que parce que nous n’en avons pas la garde physique. D’où d’ailleurs le fait que nous travaillons avec les hébergeurs Cloud, aussi bien qu’avec des intégrateurs en mode résidentiel.

PG – Combien avez-vous de clients aujourd’hui ? D’agents ? D’utilisateurs ?

GC –La phase de lancement et d’amorçage a été longue, pour plusieurs raisons. D’abord parce que nous n’avons pas fait de communication lourde ; ensuite parce que le marché est un peu frileux en cette période compliquée d’un point de vue économique ; enfin, notre retard s’explique aussi par une levée de fonds, qui a pris du temps, et par la restructuration juridique de l’entreprise en SAS. Nous avons réellement « lâché les chevaux » au début de l’été 2011. Et depuis, nous avançons très vite et tous les signaux sont au vert. Aujourd’hui, nous comptons déjà une trentaine de clients sur la France et les pays francophones, et les demandes d’essai se multiplient. Nous allons franchir, dans les jours qui viennent, les 1 000 machines monitorées (tout confondu, Serveurs, VM & PC)

PG – Les trois fondateurs de l’origine sont toujours associés ?

GC – Oui. Depuis que nous avons rentré un fonds d’investissement régional et des capitaux privés, le capital se répartit à hauteur de 32% pour Régis et moi, 15% pour Edouard et le reste pour les nouveaux associés.

PG – Comment est-ce qu’on valorise une société qui fonctionne en mode SaaS ?

GC – Les investisseurs sont évidemment plus intéressés par le modèle SaaS, en raison de la récurrence supposée des revenus et d’une moindre dépendance à la masse salariale. Cela étant, nous ne sommes pas seulement un éditeur Ondemand, nous sommes aussi une start up… Le temps de développer l’outil, nous avons vendus de la prestation, puis fin 2010 nous avons arrêté de faire de la prestation quand nous avons jugé que l’outil était prêt. Cela, croyez-moi, c’est difficile à faire avaler à des investisseurs. Mais pour être fort, un éditeur doit rester sur son métier d’éditeur. Ensuite, la valeur ne repose pas seulement sur le CA, ne serait-ce qu’en raison de la jeunesse de l’offre. Nous évaluons sur d’autres critères, et surtout ce que j’appelle le foisonnement, c’est-à-dire la diffusion de l’usage au plus profond de chaque client. Or, s’agissant de SaaS, nous ne pouvons pas parier sur des contrats à trois ans. Un client n’est jamais acquis, à nous d’être bons pour qu’il ne parte pas. Pour maximiser les chances de le garder, tout en augmentant progressivement le panier moyen par client, nous misons sur la démultiplication des agents chez chaque client. Le foisonnement représente ainsi 30% de notre objectif de CA. C’est peut-être dans le foisonnement que se situe le principal gisement de valeur du modèle. Du reste, la levée de fonds et, juste avant cela, le rapprochement avec le Business Innovation Center de Montpellier, ont été reçus comme des signes forts que nous sommes sur la bonne voie.

PG – Vous semblez presque surpris d’avoir été choisis ?

GC – (Il rit) Avec Régis, nous sommes humbles… Au départ, nous ne pensions pas faire un produit qui ferait réagir aussi vite, mais une solution simple répondant à un besoin, avec une bonne techno. Par exemple, nous n’avons pas fait le choix du SaaS par vogue du SaaS à ce moment-là, Mais parce que la philosophie du SaaS est ‘J’achète ce que je consomme’, avec la possibilité de s’arrêter et de reprendre à volonté. Ce qui correspond bien à nos personnalités. Je suis plus à l’aise avec cette approche qu’avec un modèle où nous considérons le client comme sa propriété, où nous cherchons à le rendre captif par un investissement initial lourd. Avec notre offre, pas d’engagement. Nous vivons aujourd’hui dans un monde où le prix doit être directement corrélé à la valeur apportée. Nous voyons encore aujourd’hui un grand nombre d’éditeurs qui facturent énormément de service autour du logiciel. Moi, je préfère le ‘all inclusive’. Par exemple, nos alertes SMS sont incluses dans le prix. Notre vraie valeur ajoutée n’est pas de vendre du service ou des SMS, mais un outil de monitoring.

PG – Des perspectives de développement à l’international ?

GC – Nous sommes déjà présents en Belgique (où se situe notre plus gros client, Connectis), dans les pays du Maghreb, en Suisse, bref dans les pays francophones. Par exemple, nous avons beaucoup de versions gratuites qui rentrent du Canada aujourd’hui. J’ai travaillé à l’export pendant 10 ans, alors je sais l’importance de se développer à l’étranger. Mais nous allons le faire dans le bon sens. Nous allons commencer par traduire l’application dans chacune des langues des pays dans lesquels nous allons se positionner. Actuellement, nous sommes en train de choisir un framework pour faire de la traduction instantanée avec nos futurs partenaires locaux.

SG – Que faut-il vous souhaiter pour 2012 ?

GC – Me souhaiter, je ne sais pas ! Mais je peux dire que nous nous sommes donnés pour objectif de d’atteindre 10 000 machines monitorées, au lieu de 1 000 actuellement. Actuellement nous sommes très fort sur le segment 2-500 serveurs ; avec l’agent Linux en novembre et la couche SNMP qui répond à des besoins importants, nous allons commencer à élargir la cible en devenant compétitif jusqu’à 1 500 serveurs. C’est un beau challenge, sur un marché passionnant.

Propos recueillis par Philippe Guihéneuc, consultant Marketor

Grégory Cladera, CEO & Founder de RG Systèmes depuis 2009, a auparavant travaillé chez CAPELEC comme Sales Manager. Diplômé d’une Maîtrise en management d’entreprise, il anime plusieurs clubs d’affaires et intervient régulièrement comme conférencier dans les modèles de développement liés au Cloud.

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